Thursday, December 28, 2006

Tombés du même visage comme la peau du serpent.

Thème : La culture.

"Les visages de l'art nègre sont tombés du même visage humain, comme la peau du serpent... "

Une phrase prononcée par la voix off de ce très beau film documentaire que l'un des mes professeurs d'anthropologie m'a fait découvrir lorsque j'étais étudiante. C'est l'oeuvre d'un trio de choc Chris Marker, Alain Resnais et Ghislain Cloquet : LES STATUES MEURENT AUSSI.



« On nous avait commandé un film sur l’art nègre. Chris Marker et moi sommes partis de cette question : pourquoi l’art nègre se trouve-t-il au Musée de l’Homme, alors que l’art grec ou égyptien est au Louvre ? » explique Alain Resnais.

Conséquence de cette interrogation fort dérangeante, le film fut interdit par la censure jusqu'en 1963.



Film documentaire de 1953, 30'.

Travail guidé :
1- Pourquoi selon vous le film fut interdit durant dix ans ?
2- Un élément ou trait culturel a-t-il un sens isolé de la culture dont il est issu ?
3- Quelles sont les conséquences de la colonisation sur les éléments culturels : la statuaire ? l'habillement ? les danses ? les travaux agricoles ou artisanaux ?

Petit florilège du texte de C. Marker :

« Un objet est mort quand le regard vivant qui se posait sur lui a disparu ».

« L’art nègre : nous le regardons comme s’il trouvait sa raison d’être dans le plaisir qu’il nous donne. Les intentions du nègre qui le crée, les émotions du nègre qui le regarde, cela nous échappe. Parce qu’elles sont écrites dans le bois, nous prenons ses pensées pour des statues. Et nous trouvons du pittoresque là où un membre de la communauté noire voit le visage d’une culture ».

« Et nous pouvons bien prendre sa lumière pour un sourire, ou même son huile pour une larme, et nous émouvoir, à condition de bien savoir que ces images nous ignorent, qu’elles sont d’un autre monde, que nous n’avons rien à faire dans ces conciliabules d’ancêtres qui ne sont pas les nôtres ».

« Nous voulons y voir de la souffrance, de la sérénité, de l’humour, quand nous n’en savons rien. Colonisateurs du monde, nous voulons que tout nous parle : les bêtes, les morts, les statues. Et ces statues-là sont muettes. Elles ont des bouches et ne parlent pas. Elles ont des yeux et ne nous voient pas. Et ce ne sont pas des idoles. Plutôt des jouets, des jouets sérieux qui ne valent que par ce qu’ils représentent. Il y entre moins d’idolâtrie que dans nos statues de saints. Personne n’adore ces poupées sévères. La statue nègre n’est pas le Dieu : elle est la prière ».

« Et puis ils meurent à leur tour. Classés, étiquetés, conservés dans la glace des vitrines et des collections, ils entrent dans l’histoire de l’art. Paradis des formes où s’établissent les plus mystérieuses parentés : nous reconnaissons la Grèce dans une tête africaine vieille de plus de 2000 ans, le Japon dans un masque de l’Ogoué, et encore l’Inde, les idoles sumériennes, nos Christs romans, ou notre art moderne. Mais en même temps qu’il gagne ces titres de gloire, l’art nègre devient une langue morte ».

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